Agriculture Publié le 09/11/2017
9 novembre 2017 Sepmes

Entre Frédéric et Gaby, histoire d'une transmission progressive

Frédéric Cathelin est éleveur de vaches laitières et développe son activité au sein de l’exploitation familiale à Sepmes depuis 1979. A presque 60 ans, le moment est venu de penser à la retraite, son choix s’est porté sur la cession de son entreprise à Gaby Barillet, jeune agriculteur et éleveur. Récit d’une transmission d’exploitation progressive et vertueuse.

« J’ai grandi dans la gamelle à farine ! A 10 ans, je soignais les veaux avec ma mère ! » s’amuse Frédéric Cathelin. En 1979, le père et le fils s’associent et travailleront ensemble pendant 10 ans. Puis Frédéric Cathelin s’associe pendant une dizaine d’années avec un couple et c’est ensuite sa femme, Claudie Cathelin qui l’épaulera dans la gestion quotidienne des 140 vaches (70 laitières et 70 jeunes).  A Sepmes, l’exploitation laitière s’étend sur 70 hectares, « c’est une petite surface par rapport aux autres exploitations de la région » précise Frédéric Cathelin, cette dimension lui a permis d’avoir un développement maîtrisé, « c’est une exploitation rentable et très saine ». Sa réussite et la passion de son métier ont guidé Frédéric Cathelin dans sa réflexion sur la délicate question de la transmission de son exploitation.

« Il y a 6 ans, J’ai commencé à réfléchir à la retraite. J’aurais pu décider de tout arrêter mais je voulais que l’élevage continue, c’est toute ma vie, j’ai fait naître toutes mes vaches ! Et c’était impensable de ne pas transmettre ! »

Une fois cette décision prise, Frédéric Cathelin a réalisé un audit de l’exploitation avec une publication des comptes au sein du répertoire des installations référencé auprès de la Chambre d’agriculture. Ce répertoire est consulté par les jeunes agriculteurs qui recherchent une exploitation. C’est grâce à cet outil que Gaby Barillet, alors en quête d’une ferme à acquérir, a pris connaissance du potentiel de la Grange Hacquet ! « J’ai travaillé pour des céréaliers, dans l’élevage caprin et bovin ! J’ai toujours préféré les vaches et cela faisait un moment que je cherchais car c’est difficile d’être dans le bon timing et de trouver la bonne dimension » explique le trentenaire originaire de Sainte-Maure.

« Il y a plusieurs façons de transmettre une exploitation, j’ai choisi un parcours d’installation progressif sur 5 ans » développe le cédant, « pendant 2 ans, Gaby a été salarié, et maintenant nous sommes associés pendant 3 ans, la cession sera effective à la fin de ces 5 années de transition ! » Une formule approuvée par les deux hommes, « cela permet une bonne transmission des savoirs, on se met le pied à l’étrier avec un élevage qui marche bien » explique le repreneur qui habitera l’exploitation à partir du 1er février 2018. Si Frédéric Cathelin apprécie la progressivité de la cession, Claudie, sa femme précise que « cette solution ne plait pas à tout le monde ! C’est difficile pour un éleveur de transmettre, on met beaucoup de soi dans l’exploitation et c’est parfois difficile d’accepter que l’on fasse autrement ! »

« Le cédant doit accepter de ne plus être tout à fait le patron ! » confirme Frédéric Cathelin.

Pour effectuer au mieux ce passage de témoin, Frédéric Cathelin a fait le choix de travailler un jour et demi dans un autre secteur d’activité. « Je prépare la suite, et cela permet aussi à Gaby de prendre ses marques au sein de l’exploitation, de mettre en place peu à peu ses propres méthodes ! ».
Au fil des jours, aux côtés de Frédéric Cathelin, Gaby Barillet apprend les ficelles spécifiques à l’exploitation. La gestion de l’élevage avec toute la partie génétique par exemple, l’approche n’est pas la même d’un élevage à l’autre. « Nous mélangeons les races pour avoir de la quantité mais aussi un bon taux de matières grasses » précise Frédéric Cathelin, « la sélection génétique est très importante. En trente ans, les vaches produisent presque deux fois plus de lait par an grâce à la sélection ! En 1979, une vache produisait 5000 litres de lait par an, et aujourd’hui c’est 9003 litres par an ! » mentionne l’éleveur passionné. Au quotidien, il faut aussi gérer les cultures, « nous produisons tout nous-mêmes sauf la paille, le tourteau de colza et les compléments vitaminés ! L’élevage de vaches impose des gros volumes ! »

Et à côté de ce volet, il y a le quotidien, « pour moi, la journée commence à 6h30 » explique Frédéric Cathelin, « mais Gaby est jeune et il démarre encore plus tôt ! »

Un quotidien rythmé par les deux temps de traite, le matin et le soir, l’accompagnement du troupeau au pré auquel participe activement Ida, une border collie d’une efficacité redoutable ! S’ajoutent aussi les soins quotidiens, les naissances et tous les imprévus liés à la gestion du vivant. Malgré ce planning déjà bien chargé, Gaby Barillet a prévu d’acquérir 30 hectares supplémentaires en 2018, « je récupère des terres familiales à côté de Sainte-Maure, il y aura des pâturages pour les génisses et je vais cultiver de la luzerne et des céréales, pour nourrir mes vaches mais aussi faire un peu de culture de vente » explique Gaby Barillet.

Pour les deux éleveurs, la transmission se déroule bien même s’ils mettent quelques bémols. « Le parcours d’installation est parfois difficile au niveau administratif » avouent de concert les deux hommes. « Il faut que le cédant soit patient, et il faut vraiment le vouloir » ajoute Frédéric Cathelin. Pour Gaby Barillet, l’appréhension ne vient pas de sa capacité à gérer l’élevage mais plutôt de sa faculté à gérer une entreprise, « je ne suis pas encore prêt au niveau gestion et comptabilité, il faudrait que je puisse suivre une formation » précise le jeune homme. Durant les trois prochaines années, Gaby Barillet prendra de plus en plus de responsabilités au sein de l’exploitation jusqu’à la cession totale des parts.

"Gaby apporte de l’innovation. Cette transmission progressive est rassurante tant pour le repreneur que pour son banquier"

« Le système ici est dans le juste milieu, c’est fonctionnel et l’outil est aux normes, il y a peu d’investissements à réaliser à court terme et on peut gagner sa vie. De plus, même lorsque le prix du lait est faible, l’affaire est rentable ! » conclut Frédéric Cathelin qui emménagera avec sa femme en février dans une maison en bois, fait du hasard…face aux futurs pâturages de Gaby Barillet à Sainte-Maure !